As-tu réfléchi ne serait-ce qu’une minute aux conséquences politiques de ce que tu fais ?
Lorsque tu fermes les yeux et que tu laisses fondre ton corps contre le sien, lorsqu’il dégrafe ton soutien-gorge, quel pouvoir lui abandonnes-tu ? Est-ce que tu te donnes à lui ou au rapport de domination patriarcale qu’il représente ? Lorsque tu lui obéis, l’entrejambe trempé jusqu’aux cuisses, est-ce une capitulation ? Une reddition sans condition au machisme ambiant ? Comment sa main et ta lingerie fine sont-elles liées à la lutte plurimillénaire des femmes ?
S’il te renverse sur ses genoux pour te donner la fessée, s’il marque ta peau d’albâtre de zébrures écarlates, s’il te renverse sans précautions et te menotte pour t’écarteler sur le lit, s’il bande en te bandant les yeux, s’il te baise sans ménagement, longuement, vigoureusement, son menton râpeux irritant ton cou, s’il siffle à ton oreille que tu n’es qu’une catin, qu’une trainée, qu’une salope, toi qui pourtant est si douce, si sage, ligotée sans défense et à sa merci, que dois-je comprendre ? Que dois-je comprendre de tes cris languissants ? Que dois-je déchiffrer dans ce parfum dense de musc et de foutre qui alourdit l’air ? Y a-t-il quelques bribes de sens tapies dans l’ombre de ta chambre ?
Et si je le prends par le bras, si je l’éloigne de toi, si je le gifle et lui crache au visage, si j’enfonce mes ongles dans les muscles de ses cuisses, si je le déculotte et le décalotte et le manipule jusqu’à ce qu’il raidisse, si je le prends en bouche et lui tords les mamelons, si je lui mets un doigt au cul puis toute ma main, si je fouille son fondement avec mes godemichés les plus démesurés, les plus improbables, jusqu’à ce qu’il demande grâce, jusqu’à ce qu’il implore ton pardon, jusqu’à ce qu’il verse foutre et larmes amères sur ton plancher, est-ce une victoire ? Un coup porté contre l’oppression en général et le patriarcat en particulier ?
Moi aussi, j’aimerais te menotter, ficeler ton torse de larges rubans noirs qui écraseraient tes seins et feraient tourner tes aréoles au brun, te bâillonner et te baiser avec un cierge écarlate, sans bander bien sûr, mais aussi sans te bander les yeux, pour voir ton regard fuir et tourner. Mais ici, entre tes cuisses, ma langue recueillant les dernières perles de ton plaisir, je pense à toutes ces femmes, nos sœurs, qui ont été bâillonnées et baisées, à toutes celles qui ne voulaient pas subir ce que tu n’as de cesse de réclamer. Quand avec empressement tu vas chercher tes menottes dès qu’il en exprime vaguement le désir, quel rapport établis-tu avec elles ? Est-ce que tu les humilies ? Est-ce que tu les trahis ? Est-ce que tu les venges ? Est-ce que tu les sauves ? Ou, tout simplement, est-ce que tu les oublies ?
J’ai rêvé la nuit dernière que tu étais à moi, toute à moi et rien qu’à moi. J’étendais du miel sur ton visage, sur tes seins et sur ta chatte. Ensuite, je me frottais nue contre toi et je te léchais, la bouche emplie de sucres lourds, pour ensuite pousser ma langue engluée dans ta fente et te sucer le bouton jusqu’à ce que tu cries de mots fous, des mots encore inconnus sur cette terre. Tu étais déchirante de beauté, ligotée avec des colliers de fleurs et les humains étaient loin, si loin.